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Ellie

 

chapitre 1
chapitre 2
chapitre 3
chapitre 4
chapitre 5
chapitre 6
chapitre 7
chapitre 8
chapitre 9 

pix by Iath

chapitre 1

Il est tard, je suis dans la salle de bains. Mon visage est éclairé par l'éclat industriel des spots. Je suis nue et j'ai la chair de poule. Comme un chirurgien esthétique, je ne peux pas m'empêcher de me trouver des défauts, insignifiants en apparence, mais qui me semblent monstrueusement grossiers dès que je me penche vers le miroir, le regard inquisiteur : mes lèvres trop plates, ma peau si pâle... Il se pourrait même que ces défauts soient des qualités, et que je ne le sache jamais. Je reste debout, comme un pantin, comme une autre plus précisément, à m'observer méticuleusement dans cette paroi glacée. Chaque parcelle de mon corps est analysée, vérifiée, laissée de côté le temps d'en inspecter une autre, puis revérifiée... Le tout comme une démonstration de ma non-Perfection... Il y a tant de choses à ...

- Ma puce ? Qu'est-ce que tu fais ? Viens te coucher s'il te plait...

C'est la voix d'Ellie... Je sors de ma torpeur, reprends mes esprits... Le temps reprend sa place. Je suis dans ma salle de bain, nue, et Ellie m'attend.

- J'arrive tout de suite ! je m'entends lui répondre.

Ellie est grande, très grande. Sa teinture noire fatiguée laisse apparaître des racines brunes aux reflets naturels. Elle tient d'un parent très généreux de grands yeux bleus dans lesquels je me noie souvent. C'est la première chose que j'ai vue, dans ce bar. La première chose que j'ai apprise à connaître. La première chose que j'ai aimée, aussi. Ellie, c'est le genre de fille qui ne dit jamais non, mais ce n'est pas une "marie-couche-toi-là" pour autant... C'est le genre de fille que tout le monde admire... Où qu'elle passe, les hommes se font des torticolis dans des tentatives d'approches désespérées, de regards enamourés... Les femmes, cachées sous le manteau du mépris, la jalousent... Il est vrai que toutes aimeraient être regardées par des inconnus, par leur mari comme cela... Mais, malheureusement pour eux, Ellie n'a jamais vraiment aimé les hommes; sexuellement parlant, évidemment. Toujours est-il que ça fera deux ans qu'elle a choisi de vivre avec moi, plutôt qu'avec une de ces nombreuses filles superbes et voluptueuses qui ont fait partie de sa vie durant cinq minutes, une heure, ou une nuit...

Je la rejoins, me glisse sous les draps qu'elle a déjà tiédis pendant qu'elle me lance un de ces regards qui semblent chargés de reproches. Mais des reproches tendres, des reproches que tu as envie d'étouffer, d'enlacer et d'embrasser à la fois.

- Qu'est-ce que tu faisais ? me glisse-t-elle au creux de l'oreille. Ce souffle contre ma joue est divin. Je la dévisage, elle est magnifique.

- Je pensais.

Un silence s'installe. Nous nous regardons, sans ciller. J'ai comme l'impression que ses yeux implorent que je fasse le premier pas. Le rouge monte à ses joues, l'émotion sans doute, ou peut-être le désir ? Une peur agréable m'envahit alors que doucement j'approche mon doigt de ses lèvres. Je les effleure de gauche à droite, comme pour tracer un sourire; elle plonge ses yeux dans les miens... Mes mains sont avides de son corps, elles caressent, redécouvrent chaque bout de sa peau, chaque vallée, chaque mont... J'approche ma bouche de la sienne et je sens la chaleur monter en moi. Au même moment, ses doigts qui exploraient mon entre-jambe me pénètrent. Je pousse un gémissement.

Cette nuit là, nous avons fait l'amour comme jamais auparavant. C'est fou ce que j'aimais faire l'amour avec elle ! J'ai bu mon verre de jus d'orange, enfilé ma veste en jean, attrapé mon sac à main (le tout en moins de deux minutes) et j'ai lancé un " Bonne journée chérie ! " tout en sachant pertinemment que "chérie" était sûrement encore dans les bras de Morphée.


 chapitre 2

Arrivée au bureau, j'ai à peine le temps de poser mes fesses que le téléphone sonne. Putain de vie, putain de téléphone.

- Vermeil-Graphismes-en-tous-genres-que-puis-je-pour-vous ?

- Sacha ? C'est moi, Tim.

- Ah, Tim, salut. Comment tu vas ?

- Bien, bien et toi ?

Je connaissait ce mec comme si je l'avais fait, et j'étais persuadée que ça n'allait pas "bien, bien" justement !

- Personnellement tout va pour le mieux, mais... pour être franche, ta voix ressemble à celle d'un crapaud entrain de se faire disséquer par un énorme scalpel... Que se passe-t-il ?
Un blanc. Tim respirait fort, il inspira profondément et lâcha :

- Louis est parti hier soir... D'ailleurs j'ai même essayé de t'appeler tout de suite, mais ta ligne paraissait coupée...

Il semblait sur le point de verser des larmes de rage. J'ai donc d'abord expliqué qu'en effet, ma ligne était en dérangement, au lieu de lui dire que nous avions débranché le fixe pour avoir un peu d'intimité, Ellie et moi. Puis j'ai tenté de le raisonner ("Mais oui, il reviendra, comme la dernière fois !") et essayé de comprendre ce qu'il s'était encore passé ("Comment ça tu l'a traité de tafiote ? T'es trop comique, Tim ! Parce que si lui c'est une tafiote, t'es quoi toi ? Une tarlouze ???"). Au bout de deux heures de communication, j'ai prétexté un rendez-vous pour pouvoir raccrocher. Ce n'est pas que Tim me dérange, non, c'est mon meilleur ami. Mais je suis au bureau, j'ai un tas de travail en retard, et surtout : je dois aller aux toilettes !

Je me suis tout de suite attelée à mon travail, consciente de mon gros retard. Pinceaux, feutres, crayons, pastels.. on n'apercevait plus la table. Je travaillais sur un logo quand Sonia a poussé un hurlement hystérique, me faisant sursauter et renverser trois litres de peinture sur mes planches...

-Ouaaaaaaaaaaaaaaaaaihouhouhou SachaaaaaaaaaaaaaAAAAA !!! Viens vite !

Puisque je n'avais pas le choix... je l'ai rejointe dans son bureau.

- Pffff, qu'est-ce qu'il y'a ?

- Tu ne devinerais jamaAAAAAAis !!!

J'ai marmonné entre mes dents que je n'y tenais pas particulièrement, assez fort pour qu'elle l'entende apparemment.

- Qu'a-tu dis ? Oh ! Aucune importance ! Benoit vient de me demander en mariiiiiiAAage !!! (note de moi : ça rend mieux en anglais non ? "He propoOOOOsed !!!" Enfin, j'en sais rien. On s'en fout !)

Mes yeux ont du s'ouvrir tout rond. J'ai réfléchi à ce que j'étais sensée dire... J'ai pris ma voix la plus mielleuse et j'ai essayé de paraître hystérique, m'enfin, le cœur n'y était pas.

- Ouhaooouuuuuuuuuu

- Ouais !!! Regarde ma bague !!!

Elle tourna son écran plat vers moi, et me laissa admirer une "magnifique" bague sertie de diamants roses vulgairissimes. C'était un site de Joaillier, le prix était indiqué en lettres dorées à coté : 9 650€ J'ai blêmi.

- Et euuuh, il t'a demandé ça quand ? j'ai fait.

- Là !!! Maintenaaaaaaant ! (reprise des cris hystériques.)

J'ai re-blêmi.

- Sur in-ter-net ...? j'ai articulé presque sans voix.

- Ouaaaais ! C'est trop génial, non ? Et tellement romantique !

Son sourire niais n'a pas bougé pendant tout le temps qu'elle me faisait part de cette magnifique aventure. A croire qu'il était fixé au botox. J'ai pris congé, maudissant intérieurement Sonia, internet, et les mecs-qui-sont-trop-cons-trop-riches-trop-myopes... Parce que cette fille, c'est pas du n'importe quoi; c'est sûrement la seule nana de toute la ville à se pointer au travail habillée de manière monochrome. Et quand je dis monochrome, je parle pas du noir ou du gris, ça serait pas drôle. Non, non, plutôt du rouge, du jaune moutarde, et même du vert anis quand il pleut; et ça, des chaussures au chapeau (quand chapeau il y a)... Ouais, c'est affligeant. Même dans une boite de graphisme, tout le monde n'est pas à la pointe de la mode !

Le soleil est déjà bas, lorsque je m'engouffre dans le métro. La journée a été longue et sans pause repas. J'aime beaucoup le métro, j'aime y croiser des tas de gens que je ne connais pas. Y faire quelques croquis malgré les regards gênés ou curieux. Bien sûr, comme tout le monde, je ne supporte pas le métro en été, quand il est bondé et que tu a le nez collé à l'aisselle de ton voisin (qui, entre nous est bien obligé de se tenir à la barre, le pauvre...). Avant de quitter le bureau, j'ai prévenu Ellie que j'arrivais.

 


chapitre 3

- Salut mon cœur ! me lanca-t-elle de la cuisine.

J'ai jeté sac, manteau et chaussures sur le sol de l'entrée, et j'ai couru la rejoindre. Il flottait dans l'air une odeur ravissante de curry. Ellie me faisait dos, elle lavait une casserole.

- Aaaah tu m'a manqué ! j'ai dit en l'entourant de mes bras. Elle s'est retournée et a posé sur mes lèvres un baiser épicé. Elle souriait.

- A moi aussi ! Comment s'est passée ta journée?
Ellie avait dressé une table spécial amoureux. L'odeur m'alléchait et je n'avais qu'une envie : m'assoir et manger. J'ai répondu que je rattrapais mon retard et que Sonia s'était faite demander en mariage.
- Elle !? Dis moi que c'est pas vrai ! dit-elle en partant d'un éclat de rire comme elle seule savait le faire.

J'ai ri avec elle. Cette fille a de la bonne humeur à revendre. Cette histoire de mariage m'avait complètement foutu le bourdon tout à l'heure, car ça ma fait réfléchir sur notre couple qui ne peux pas être légalisé; et regardez comment Ellie réagit : elle ri! Rien que pour ça, elle est exceptionnelle!

- Je t'aime.

Elle pencha la tête sur le côté, les joues rosies par le compliment, ou le vin, je ne sais pas.

- Je sais, elle a répondu, moi aussi. Mange, ça va refroidir.
J'ai avalé mon repas bio. Ellie portait une grande importance à la qualité de ce que nous mangions.

- Tom m'a appelée tout à l'heure, j'ai dit entre deux bouchées de haricots.

- "Ymabouien" ? elle déglutit.

- Pas vraiment non, Louis l'a quitté. Il étais même au bord des larmes. Ca me désole de le voir comme ça.

- Mais je comprends pas! Qu'est-ce qui a pu pousser Louis à partir?! Je ne connais pas de couple gay plus amoureux qu'eux!

- L'amour ça fait pas tout...

- Merde... On devrait l'inviter demain...Tu crois pas?

En disant ça, elle a froncé les sourcils, comme à chaque fois que quelque chose la contrarie.Ca ma fait sourire.

- C'est une excellente idée! J'y pensais justement!

Un drôle d'éclair est passé dans ses yeux. Elle a lâché son verre de vin pour attraper mon poignet, qu'elle a serré anormalement fort. Un certain temps s'est écoulé, nous ne nous lâchions pas du regard.

- Ne me quitte jamais, s'il te plait...

- Je...

J'étais sans voix, Ellie me paraissait si fragile tout à coup... J'ai dégluti et répondu:

- Non... bien sûr que non. Jamais je ne te ferais ça...

A partir de ce moment tout s'est passé très vite. Trop vite. J'ai à peine vu le vin se répandre sur le sol, et ma fourchette tomber dans un bruit clinquant. Sa bouche contre la mienne accaparait tout mon cerveau. Pressée contre moi, elle me faisait reculer vers le salon. Nos pieds semblaient danser tellement ils étaient coordonnés. J'ai été allongée sauvagement sur le canapé. Ellie a marqué une pause, à califourchon au dessus de moi. Elle reprenait son souffle. J'en ai profité pour plonger mes yeux dans son regard bleu océan. Quelques unes des ses mèches me chatouillaient les joues. Le temps s'étirait. La tension était insoutenable. Je voyais son corps entier trembler de désir, mais elle n'a pas esquissé le moindre mouvement vers moi. De la cuisine, nous arrivait le son de The Pipettes. N'y tenant plus, je me suis soulevée pour l'embrasser et nous avons repris les choses où nous les avions laissées...

But I love you OoooOh, I love you. And I will love you. 'Till the day I died, There will never be a time when we have to say good-bye. I love you OoooOh, I love you...

 

 


chapitre 4

Ce matin je me suis réveillée plus tôt que 'habitude et jai décidé de préparer un méga petit déjeuner a ma chérie. Pendant que les œufs cuisaient, j'ai préparé un plateau sur lequel jai mis un verre de jus d'orange pressées, un bol de lait (oui: bio, vous avez deviné! ) et deux tartines beurrées avec soin. J'étais d'humeur éblouissante ce matin! Je sentais que je réussirait tout ce que je toucherais aujourd'hui et ça me rendait encore plus heureuse ! J'ai disposé les œufs brouillés dans un petite assiette, en remuant du derrière sur un classique de jazz, puis chargée du plateau, je suis allée rejoindre Ellie au lit.

Elle dormait toujours. La voir comme ça, une épaule pâle émergeant des draps blancs, qui marquaient tout le contour de son corps, me rappelait a quel point j'étais chanceuse de l'avoir. Elle a marmonné un vague truc d'une voix ensommeillée.

- Oui ?

- Sacha..? C'est toi ?

- Euuh oui, il me semble que c'est moi, j'ai répondu ironiquement.

- T'es tombée du lit ma puce ? elle a dit tout en baillant.

Ses yeux étaient toujours fermés, elle était si adorable...

- On peut dire ça comme ça oui, j'ai dit en posant le plateau sur le lit. Je t'ai préparé un petit déjeuner.

Elle a ouvert doucement les yeux, et ma remerciée d'un sourire plus que significatif.




"Ding. Dong." J'ai traversé la pièce en courant et ai crié :

- Ellie magne toi! Enfile un truc! Tom est là!

Dehors, le soleil baissait. En ouvrant, je suis tombée nez à nez avec un type, mais pas avec Tom...

- Bonjour, connaissez-vous la bonne nouvelle?

- A vrai dire, je...

- Dieu aime tout le monde. Croyez vous en lui ?

- Je... Excusez-moi mais...

- Vous ne croyez pas en lui? Ce n'est rien, car Dieu aime aussi les brebis égarées.
Il me fit son plus beau sourire, espérant surement me convaincre avec ce dernier argument.

- Je suis homosexuelle, et ma compagne aussi. Au revoir.

J'ai fermé la porte. Ellie ma demandé en sortant la tête de la salle de bain, la vache, qui c'était cet hurluberlu.

- Témoin de Jehova, je suppose.

"Ding Dong" Ca doit être Tom, j'ai crié à Ellie.

C'était encore Mr. Horrible sourire:

- Dieu vous pardonnera. Il n'est pas trop tard. Repentissez-vous et choisissez la voix de notre Seigneur tout puissant.

- J'ai bien peur que nous n'ayons pas besoin de Dieu ! j'ai dit en claquant la porte. Je me suis laissée tomber à terre. Putains de témoins de mes deux. Et voilà comment gâcher une soirée! Non, mais c'est vrai quoi ! Ils se prennent pour qui ?

"Ding Dong" Oh!! Cette fois c'en est trop. RAS-LE-BOL !!!

- Allez vous faire voir !!! Vous entendez ?

- Euh, Sacha... ? C'est Tom. Tu veux bien m'ouvrir s'il te plait ?

J'ai retiré les verrous et je lui ai littéralement sauté dessus en poussant des "Oh Tom, si tu savais!" ou encore "Les cons, les cons. Tous des cons!"

 


chapitre 5

- Je ne réalise toujours pas ce qu'il s'est passé.

Je lui ai répondu qu'il fallait un certain temps pour s'adapter aux changements, que c'était tout à fait normal. Ellie a acquiescé.

- Merde... Mais qu'est-ce qui nous a pris? J'veux dire... On était tellement heureux ensembles...

- Tu devrais peut-être nous expliquer ce qu'il s'est passé d'abord, non? elle a demandé.

- Bein... Louis est rentré très tard et il était resté injoignable toute la soirée. Alors, je me suis imaginé des trucs, d'autant plus que c'était pas la première fois, vous comprenez?

- Oui bien sûr, on a répondu d'une même voix.

- Je lui ai fait une scène, je me suis mis à lui dire ses quatre vérités. On s'est disputés, et il est parti...en claquant la porte.

Il a pris sa tête entre ses mains et a marmonné:

- C'est de ma faute: je suis trop jaloux...

- Non ! j'ai protesté. Pas du tout! La jalousie va avec l'amour. Et si Louis est parti, c'est qu'il avait sûrement quelque chose à se reprocher...

Ellie s'est levée, et à commencé à débarrasser nos assiettes.

- Je suis tout à fait d'accord, elle a ajouté.

- Mouais... C'est gentil de m'aider comme ça. Vous êtes sympa les filles. Je suis content de vous avoir...

On s'est regardées Ellie et moi, et on s'est souries.

- Tu le savais avant, pourtant, que Louis était un coureur, non?

- Oui, il a sifflé entre ses dents. Je l'avais accepté comme tel, mais j'espérai qu'il changerai..

Ellie a répondu qu'on ne pouvait pas changer ce qu'il y a de plus profond chez les gens, elle était bien placée pour le savoir. Il a acquiescé et a reconnu qu'il s'était trompé.

- Je me sens nul. Il ma lâché, comme une vieille chemise, j’ai tout foiré… il a dit en éclatant en sanglots muets.

Je l’ai séré dans mes bras.

- Et s'il n'y avait que ça..., il a continué Mais notre mannequin a piqué une crise parce qu'elle n'avait pas les encens à la rose qu'elle avait demandé mais des encens à la vanille et a démissionné.

- Oh merde, j'ai dit. Vous allez pouvoir la remplacer à temps pour boucler la plaquette du magasin?

- Je sais pas trop... Il nous restait plus de la moitié de la collection à photographier, et nous n'avons plus le temps de reprendre depuis le début avec un nouveau modèle. Il faudrait donc quelqu'un qui lui ressemble un maximum et qui ait les mêmes mensurations pour rentrer dans les tenues prototypes...

- Ouaaouw, ça fait une sacré sélection tout de même!

- Excusez moi de vous déranger en pleine réunion "professionnelle" mais les glaces vont fondre!

Et elle déposa un "banana Split" devant chaque verre.

- Ca peut paraître incroyable mais tu es douée ! j'ai lancé.

- Oh toi ça va hein, attends un peu, tu vas voir ce que tu vas voir ce soir!
Le sourire coquin au coin de ses lèvres en disait long sur ce qui m'attendait.

- Oh la la, c'est tout simplement su-cu-lent!!! a surenchéri Tom.

Il était près de minuit quand nous l'avons raccompagné à la porte. Avant de monter dans sa voiture, il a dit d'une manière très sérieuse:

- Vous formez le couple parfais, vous le savez?
La portière à claqué, et il s'est éloigné au volant de sa mini.

 


chapitre 6

Ellie s'est endormie juste après l'amour, mais moi, cette nuit là, je n'ai pas fermé l'œil. Je me suis tournée dans un sens puis dans l'autre pendant trois bonnes heures. La phrase de Tom était gravée au fond de ma tête. Qu'est-ce que ça signifiait au fond ce "parfait"? Personne n'était parfait. Je n'arrivai pas à comprendre mon malaise envers ces paroles. Vers deux heures, je me suis levée, et j'ai bu un verre d'eau. Je voyais la silhouette d'Ellie recouverte par les couettes. Elle dormait profondément. Les minutes s'allongeait, et les heures s'écoulaient tandis que je restait assise en tailleur sur le lit, les yeux dans le vague et le cerveau en ébullition. Dans moins d'un mois, nous fêterons nos deux ans d'union... Deux ans, c'est long? Pour moi, deux ans, c'est presque inespéré... C'est vrai qu'aux yeux de tous nos amis, nous étions un couple heureux et stable, comparé à eux, et pour notre âge. Mais malgré mon bonheur immense, je restai là, assise à réfléchir. Et je réfléchissais au pourquoi de cette réflexion nocturne. Mes pensées sont confuses.
Au yeux du monde je suis heureuse. Il me semble même que je suis tout simplement heureuse... Alors pourquoi ce creux immense au fond de mon ventre? La question a flotté dans l'air, suspendue, sans trouver de réponse...

Le sommeil n'est venu que bien plus tard, au fond du canapé presque à l'heure où certains de nos amis quittaient les boites.

Il était huit heures quand je me suis réveillée. Ellie dormait toujours, ça ne m'a pas étonnée. Sans bruit, j'ai remis les draps correctement autour d'elle. Le matin, je n'avais jamais vraiment envie de manger, mais elle me préparait toujours quelque chose, alors je me suis habituée. J'ai mangé des céréales pour mômes - mon petit plaisir - en commençant à lire de long en large leur emballage. Mais je le connaissait par cœur. Je me suis rabattue sur l' agenda des sorties, Ellie et moi adorions les expos et les concerts. J'ai entouré au bic bleu quelques expos.

Le reflet que ma renvoyé la glace de la salle de bains m'a déplu. Ce corps long et taché de rousseurs , je ne l'avais jamais véritablement aimé, mais aujourd’hui, plus qu'un autre jour, il me rebutai. L'eau a coulé le long de mon dos, comme une rivière dans son lit, entrainant avec elle, toutes mes mauvaises pensées. J'avais passé une nuit éprouvante. De la poitrine aux orteils, en passant par le creux du genou, ce courant chaud me déstressai. C'est à ce moment que le téléphone a sonné.

- Chiotte ! j'ai dit, en sortant en trombe, transformant le sol en mare. Les cheveux pleins de mousse, une serviette a peine nouée autour du corps, j'ai couru jusqu'a cet appareil maudit.

- Salut ! lança une voix enjouée.

- Aaaaah, c'est toi Nat.

J'ai poussé un long soupir de soulagement.

- Ouais, comment ça va chez vous?

- Super! Et chez vous?

- Baaah, comme d'hab. Cléa fait un peu la gueule, elle veut pas faire la vaisselle... Enfin, j'vais la faire, c'est rien.

J'ai ris.

- Elle changera jamais! Alors, dis-moi, pourquoi t'appelle miss?

- Avec Charlie et Cléa, on se disait qu'on pourrait peut-être se voir tous ce soir, qu'est-ce t'en dis?

- Ouais! Carrément! j'ai répondu. On prévient Tom, si tu veux.

- Cool, c'est gentil ! On fait comme ça alors. Même heure, même endroit. Passe une bise à Ellie. A plus !

- A toutes!

J'ai raccroché le combiné, recouvert de mousse.

 

 


chapitre 7

En arrivant au bar, la main d'Ellie dans la mienne, le peu de stress qu'il restait en moi a littéralement disparu. Elle ma légèrement tirée par le bras vers notre coin habituel. L'ambiance était joyeuse.

- Hey les lesbiennes!!!

On a ri.

- Salut Cha! elle a répondu.

J'ai salué le reste de la bande. Une bise chacun. Entre nous, on ne se faisait plus qu'une seule bise. Habitude tirée de je-ne-sais-où. Au milieu des visages familiers et des voix amicales, j'étais à ma place. Tout simplement. Je me sentais vachement bien. La bonne humeur était au rendez-vous même si Tom tirait un peu la tronche, j'avoue. Le ballet des bières entre le comptoir et notre table allait sans discontinuer. Ellie ne me lâchait pas la main. Elle était moite maintenant, mais ça ne me dérangeait pas. Cha draguait le barman, je crois. Je m'amusais à l'observer dans ses approches vaines. Ce pauvre serveur devait être hétéro. D'ailleurs, à force de parler d'homos, vous allez finir par croire que nous formons une bande entièrement homosexuelle! Mon dieu, ça serait l'horreur. Non, non, rassurez-vous, Cléa et Natie sont là pour équilibrer la balance. Bon... ok, c'est vrai qu'on est majoritairement homo... et puis, on peut pas dire que Cléa soit un exemple d'hétérosexualité... M'enfin. Tous réunis, on est intenables, c'est le fou rire assuré, et c'est tout ce qui compte!

- Merde, Charlie! Arrête de mater les fesses de ce pauvre type, quoi! a lancé ironiquement Cléa.

- Maaaaaais! il a rétorqué, avec une voix de bébé très convaincante.

On a tous éclaté de rire. En essuyant mes larmes (de rire), j'ai dit:

- J'suis persuadée que ce type est tout ce qu'il y a de plus hétéro, Cha, re...

- Moi j'suis pas d'accord du tout ! c’était Ellie, qui ma coupée. Non, mais c'est vrai quoi! Il a une manière de se tenir qui en dit assez long, et regarde ses ongles!

J'ai rétorqué que je préférais regarder la manière dont il s'habillait, et que ce pantalon, et ce pull, tout droit sortis de chez Celio, délivraient un message sans équivoque: straight !

- Tout doux les filles ! a imploré Nat. Vous avez qu'a aller le lui demander...Vous serez fixées.

Cléa a hurlé :

- Aaaah ! Siouplé, laissez-moi y alleeeeer !!! (ouais, à ce moment, le niveau d'alcool dans son sang était anormalement élevé...)

On ne pouvait qu'acquiescer, et puis, au fond, ça nous arrangeait bien. L'envie de nous ridiculiser vis a vis du barman ne nous démangeait pas particulièrement.

Cléa et Natalie il y a un an, on décidé de prendre un appart ensemble, près de l'endroit où elles travaillaient toutes les deux. Je me souviens que c'est parti d'un délire. Elles nous avaient accompagnées choisir des meubles. A force de craquer sur les mêmes choses, elles on commencé à décrire leur habitation de rêve, avec un sol en béton, du rouge et du vert pomme, des canapés profond; elles étaient d'accord sur tout! Je ne me souviens plus laquelle des deux a émit l'hypothèse de vivre ensemble. De toute manière, c'était déjà trop tard! Bref, Cléa n'est pas facile à vivre, et en plus, elle n'est pas située sexuellement! J'ai vraiment cru que Natalie allait s'arracher les cheveux et partir au bout d'une semaine, mais non, elle a su s’accommoder de cette humeur infantile et grâce à sa légendaire gestion, à faire de cet appart' un endroit vivable. Il me semble que Charlie s'est incrusté quelques mois plus tard, suite à une rupture, et depuis, ils vivent à trois en colloc', dans leur petit "home sweet home".

Durant la soirée, comme d'habitude, Natalie s'est fait pipi dessus tellement elle a ri, Charlie a parodié les politiques, Cléa a commenté -très sarcastiquement- les nouvelles coupes de cheveux des habituées du bar, laissant à Natalie, passablement imbibée, le bon soin de scruter la salle à la recherche d'un homme célibataire, riche et séduisant qu'elles pourraient partager, tandis qu' Ellie et moi avons sans doute trop bu. Tom, quand à lui, n'a rien dit.

Ah, j'oubliais: le barman était gay. 

 


chapitre 8

J'ai poussé la porte, Ellie sur mes talons. La maison était obscure, à l'exception d'un petit voyant lumineux. Ellie l'a vu, puis m'a regardée. D'un haussement d'épaules, j'ai décidé d'en faire abstraction.
On s'est couchées. La tête bourdonnante de musique. Le sang battant aux tempes. L'alcool dans nos veines. Et le lit qui tangue.
Mon corps entier criait au repos, je me sentais ankylosée. Le sommeil tardait à venir.
Et pour cause, il y avait cette petite diode qui clignotait quelque part dans le salon. Je le savais. Je la voyais au fond de ma tête chaque fois que je fermais les yeux. Et je me doutais même de qui provenait le message. J'hésitais à prendre un somnifère maintenant pour ne pas penser au message qui attendait, ou à écouter le message et à prendre un somnifère ensuite, pour l'oublier ...

"Chériie ! C'est ta MERE ! Enfin, ricana la voix, j'suis même pas sûre que tu saches encore ce que c'est. Tu sais, c'est le mot qu'utilisent les gamins tout mignons pour désigner la femme qui les a enfantés ! Tu te souviens ? Parce que oui, tu as une mère, Sacha ! Comme c'est le quatrième message que je te laisse, je commençais à douter que tu t'en souvienne... Enfin, je voulais te dire que ton attitude est irresponsable, et que contrairement à ce que tu pense, je ne suis pas une marâtre; je m'inquiète énormément pour toi. Tu aurais du appeler depuis LONGTEMPS ! Bref, tout ça pour être sûre qu'on dînait toujours ensemble mercre..."

J'ai coupé.
Revoilà cette impression de nausée. Pourquoi maintenant? Tout allait si bien. Mais non, il a fallu que ce poids oublié refasse surface, pour m'accabler un peu plus dans les moments où je suis heureuse. Ce rendez-vous, je l'avais volontairement oublié. Une boule au fond de la gorge. Un mal-être flagrant. Vomir.
J'ai envie de fumer. En fait, ça fait deux ans que j'ai arrêté, j'ai toujours un paquet pour me porter "secours" ( le comble pour une drogue ) ou peut-être pour mettre en valeur ma volonté d'arrêter. Ce putain de poids qui m'obsédait. Ces putains de reproches lancinant. Tout ce gâchis, cette incompréhension. Je n'ai jamais été assez forte pour le supporter.
C'est elle qui, à chaque fois, me fourre la clope dans la bouche. C'est elle qui me fera crever.
Je me suis concentrée sur la molette du briquet. Les yeux serrés et le front plissé. Le stress paralysant mes mains. La clope montant et descendant au fil de mes sanglots. Ma dernière cigarette remontait à il y a bien longtemps.
Ce soir, au bar, je m'étais sentie tellement bien ! Entourée de mes amis. J'avais ri, j'avais bu. Et voilà que quelques phrases enregistrées sur une bande me pourrissait la vie, la tête. C'était injuste. Injuste que je ne puisse plus être "heureuse".
J'ai l'alcool triste.


Je suis arrivée en retard. Un client m'avait appelée et tenu la jambe pendant plus de quinze minutes, pour s'assurer que sa commande serait finie à temps. Mais oui, bouffon ! Si tu me laisse bosser !!!
Ellie était assise en terrasse, elle me faisait dos. Les yeux fermés, le visage tourné vers le soleil comme un tournesol, elle profitait des premiers rayons de soleil de l'année. Sa nuque offerte à moi, m'a fait doucement rêver.
- Salut mon cœur, j'ai dit en posant une main sur son épaule.
- Salut sweety !
Elle veux savoir comment s'est passé le boulot, je lui explique mes dernières commandes et lui raconte l'histoire du téléphone qui m'a mise en retard. Elle m'assure que ce retard n'est pas grave. Le serveur arrive, je prends une salade du chef et Ellie choisit d'un "Comme elle."
Le repas se passe tranquillement. A un moment:
- Tu as écouté les messages ? Il n'y en avait plus ce matin.
- Hein hein, j'ai répondu la bouche plein de salade. Les yeux fixés sur un morceau de lardon dans mon assiette.
- Qui c'était ?
- ...
J'ai poussé le bout de viande de ma fourchette.
Elle a froncé les sourcils.
- C'était ta mère, hein ?
J'ai jugé qu'il était inutile de répondre. Ellie s'inquiétait de plus en plus.
- Chérie ... Tu es sûre de vouloir déjeuner avec elle à nouveau ?
- Sûre ? J'pense pas avoir le choix... C'est ça ou l'incident diplomatique et nos possibles enfants n'auront jamais de grands-parents. Si je ne vois pas ma mère une fois tous les deux mois minimum, elle trouvera un moyen de se rendre malade, juste pour que je sois obligée de la visiter à l'hôpital et mettre sa maladie sur mon manque d'attention pour d'elle. Je la connais bien. Elle serait capable d'avoir le cancer rien que pour me faire chier...
- Fais gaffe à toi, elle a dit après un petit soupir. Je tiens pas à recoller les morceaux...

J'ai regardé le ciel. Un nuage a caché le soleil.

 


chapitre 9


Le week-end suivant, alors que nous étions toujours au lit, le téléphone -plutôt muet d'habitude- a sonné :
- Ellie-chérie c'est toi ?
J'ai froncé les sourcils, ça sentait le roussi. La voix était mielleuse et beaucoup trop aigue pour être honnête.
- Non, c'est son amie, je vous la passe, j'ai dit aussi aimablement que j'ai pu à cette pétasse du dimanche...

La voix a parlé et Ellie la coupée:
- Bordel Louise! Pourquoi t'appelle, hein ? Parce que jusqu'à aujourd'hui, je te ferais remarquer que pas une seule fois tu ne m'a appelée sans arrière pensée. Alors déjà que tu viens nous réveiller à huit heures du mat' un dimanche, tu pourrais au moins abréger !!!
Woow, Ellie était furax. La voix a dû avouer la raison de son appel, Ellie a poussé un long soupir, à dit qu'elle le ferait mais qu'elle ne savait même pas pourquoi, puis a raccroché.
- Eh merde, elle a enchainé. Elle a attrapé un coussin, la plaqué sur sa tête. Comme pour se cacher six pieds sous terre. De là dessous, j'ai entendu (ou plutôt deviné):
- C'était ma sœur (ça je le savais depuis le moment où elle avait dit son nom, logique.). Elle veut que j'aille chercher son mioche à l'école demain et que je le garde pour dormir.
Gloups. Sympa la sœur, toujours pareil. Et notre aprem aux Beaux-Arts hein ? J'ai tenté de la réconforter:
- Ma puce, ça va aller. On va gérer. On ira aux Beaux-Arts la semaine prochaine, ok ?
- Hm...

Lundi, 16 h, l'heure des "mamans". Le comble. On attendait à coté de toutes ces femmes en train de comparer les vertus de leur chérubin :
- Martin savait déjà parler à deux ans !
- Oh ! Mais le mien à cinq ans, il lisait déjà !
- Incroyable, mais le plus surprenant c'est ma petite Marie !
vous la verriez, une vraie petite Rimbaud ! Elle compose des poèmes depuis l'âge de six ans !
Stupéfactions des deux autres mamans, qui, pour le coup, n'ont plus rien à répondre.

- C'est lui, enfin, je crois.
Elle s'est avancée vers le môme, un garçon de dix ans à vue de nez. Il rigolait avec ses amis.
- Max ?! elle a dit.
Le petit a accouru en hurlant "Tata'llie !". Très flatteur. Elle a du adorer. A l'intérieur de moi j'étais morte de rire.

- Max tu vas te laver les mains s'il te plait ?
- Pourquooooi ? il a répondu, avec un tête de petit diablotin.
Ellie, incroyablement patiente:
- Parce que sinon, elles ne seront pas propres, et je ne te donnerai pas à manger.
- Et on mange quoooi ?
Je remarquai les efforts surhumains de ma puce pour garder son calme.
- De la salade avec des tomates et des dés de tofu.
- Beurk ! Moi j'aime pas.
J'ai alors pris les devant, avant que "Tata'llie" ne craque:
- Et moi je suis sûre que tu n'a jamais gouté, et que tu vas aimer.
Boudin.
Je lui désigne sa chaise et on s'assoit tous à table. Il fixe intensément son assiette. Personne ne parle. Ellie me regarde d'un air suppliant. Apparemment, je suis censée entamer une conversation:
- C'était bien l'école ?
Max me regarde, pose ses couverts dans son assiette qu'il prend à deux mains et se lève.
- Oh oh oh ! Où tu vas ? je lui demande, abasourdie.
- Devant la télé.
- C'est hors de question, tu reste à table. Assied-toi s'il te plait, Max.
- Mais je mange TOUJOURS devant la télé.
Ellie est venue à mon secours :
- Peut-être, mais pas chez nous. Allez, assied-toi.
Re-boudin.

- Merde fais chier..
- Sois pas vulgaire, j’ai dit.
- C'est pas une maison pour un gosse ici. Y'a qu'à voir ce qu'on a mangé ! Et puis le dessert, sérieusement : du fromage blanc et des myrtilles ? Y'a pas à dire!
- Calme toi Ellie ! Regarde, il est devant la télé, il retrouve ses habitudes, on s'est pas si mal débrouillées dans l'ensemble... tu crois pas ?
- Mouais..
Je l'ai embrassé rapidement sur les lèvres.
Une pensée m'a traversé l'esprit. J'ai demandé:
- Au fait, tu lui a mis quoi ?
- Bah, j'sais pas trop, il a fouillé dans les cassettes, alors j'l'ai laissé se débrouiller. Il doit être devant un dessin animé...
- Merde Ellie, réfléchis ! De quels dessins animés tu parles : Alice et le chaud lapin ou bien La culotte du Petit Chaperon rouge !? Et merde !
Et je suis partie en courant dans le salon. A sa grande incompréhension.