thEm by narowade
J'ai poussé la porte, Ellie sur mes talons. La maison était obscure, à l'exception d'un petit voyant lumineux. Ellie l'a vu, puis m'a regardée. D'un haussement d'épaules, j'ai décidé d'en faire abstraction.
On s'est couchées. La tête bourdonnante de musique. Le sang battant aux tempes. L'alcool dans nos veines. Et le lit qui tangue.
Mon corps entier criait au repos, je me sentais enkylosée. Le sommeil tardait à venir.
Et pour cause, il y avait cette petite diode qui clignotait quelquepart dans le salon. Je le savais. Je la voyais au fond de ma tête chaque fois que je fermais les yeux. Et je me doutais même de qui provenait le message. J'hésitais à prendre un somnifère maintenant pour ne pas penser au message qui attendait, ou à écouter le message et à prendre un somnifère ensuite, pour l'oublier ...
"Chériie ! C'est ta MERE ! Enfin, ricana la voix, j'suis même pas sûre que tu saches encore ce que c'est. Tu sais, c'est le mot qu'utilisent les gamins tout mignons pour désigner la femme qui les a enfantés ! Tu te souviens ? Parce que oui, tu as une mère, Sacha ! Comme c'est le quatrième message que je te laisse, je commencais à douter que tu t'en souvienne... Enfin, je voulais te dire que ton attitude est irresponsable, et que contrairement à ce que tu pense, je ne suis pas une marâtre; je m'inquiète énormement pour toi. Tu aurais du appeler depuis LONGTEMPS ! Bref, tout ça pour être sûre qu'on dînait toujours ensemble mercre..."
J'ai coupé.
Revoilà cette impression de nausée. Pourquoi maintenant? Tout allait si bien. Mais non, il a fallu que ce poids oublié refasse surface, pour m'accabler un peu plus dans les moments où je suis heureuse. Ce rendez-vous, je l'avais volontairement oublié. Une boule au fond de la gorge. Un mal-être flagrant. Vomir.
J'ai envie de fumer. En fait, ça fait deux ans que j'ai arreté, j'ai toujours un paquet pour me porter "secours" ( le comble pour une drogue ) ou peut-être pour mettre en valeur ma volonté d'arreter. Ce putain de poids qui m'obsédait. Ces putains de reproches lancinant. Tout ce gachis, cette incompréhension. Je n'ai jamais été assez forte pour le supporter.
C'est elle qui, à chaque fois, me fourre la clope dans la bouche. C'est elle qui me fera crever.
Je me suis concentrée sur la molette du briquet. Les yeux serrés et le front plissé. Le stress paralysant mes mains. La clope montant et décendant au fil de mes sanglots. Ma dernière cigarette remontait à il y a bien longtemps.
Ce soir, au bar, je m'étais sentie tellement bien ! Entourée de mes amis. J'avais ri, j'avais bu. Et voilà que quelques phrases enregistrées sur une bande me pourrissait la vie, la tête. C'était injuste. Injuste que je ne puisse plus être "heureuse".
J'ai l'alcool triste.
Je suis arrivée en retard. Un client m'avait appelée et tenu la jambe pendant plus de quinze minutes, pour s'assurer que sa commande serait finie à temps. Mais oui, bouffon ! Si tu me laisse bosser !!!
Ellie était assise en terrasse, elle me faisait dos. Les yeux fermés, le visage tourné vers le soleil comme un tournesol, elle profitait des premiers rayons de soleil de l'année. Sa nuque offerte à moi, m'a fait doucement réver.
- Salut mon coeur, j'ai dit en posant une main sur son épaule.
- Salut sweety !
Elle veux savoir comment s'est passé le boulot, je lui explique mes dernières commandes et lui raconte l'histoire du téléphone qui m'a mise en retard. Elle m'assure que ce retard n'est pas grave. Le serveur arrive, je prends une salade du chef et Ellie choisit d'un "Comme elle."
Le repas se passe tranquilement. A un moment:
- Tu as écouté les messages ? Il n'y en avait plus ce matin.
- Hein hein, j'ai répondu la bouche plein de salade. Les yeux fixés sur un morceau de lardon dans mon assiette.
- Qui c'était ?
- ...
J'ai poussé le bout de viande de ma fourchette.
Elle a froncé les sourcils.
- C'etait ta mère, hein ?
J'ai jugé qu'il était inutile de répondre. Ellie s'inquietait de plus en plus.
- Chérie ... Tu es sûre de vouloir déjeuner avec elle à nouveau ?
- Sûre ? J'pense pas avoir le choix... C'est ça ou l'incident diplomatique et nos possibles enfants n'auront jamais de grands-parents. Si je ne vois pas ma mère une fois tous les deux mois minimum, elle trouvera un moyen de se rendre malade, juste pour que je sois obligée de la visiter à l'hopital et mettre sa maladie sur mon manque d'attention pour d'elle. Je la connais bien. Elle serait capable d'avoir le cancer rien que pour me faire chier...
- Fais gaffe à toi, elle a dit après un petit soupir. Je tiens pas à recoller les morceaux...
J'ai regardé le ciel. Un nuage a caché le soleil.
Ecrit par Coruscante | Précédent | Vendredi 23 Mars 2007, 20:10 | Suivant | 2 commentaires | Lire tous les articles
Commentaires
1 -par LENARRATEUR, le Samedi 24 Mars 2007, 02:35 Répondre à ce commentaire